Les troubles de l’apprentissage et du comportement peuvent représenter de véritables défis au quotidien pour les enfants qui en sont atteints, ainsi que pour leurs familles. Aujourd’hui, je suis allée à la rencontre d’Erika et d’Enora, deux passionnées engagées dans le domaine de l’éducation et de l’art, qui apportent leurs témoignages sur les bienfaits des arts sur les troubles de l’apprentissage et du comportement chez les enfants.
Erika, la créatrice d’Acapelart, souhaite « rendre l’art accessible à tous ». Elle a fait en sorte qu’Acapelart intervienne au sein de structures médico-sociales qui accompagnent les enfants ayant des troubles d’apprentissage et du comportement, comme des ITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) et Sessad (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile). Ainsi que dans des foyers d’accueil de jour pour des adultes porteurs de handicap physique et mental. Si ce sujet lui tient tant à coeur, c’est parce qu’elle le vit au quotidien.
Maman du jeune Alexis, a qui l’on a découvert un trouble de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH), doublé d’un HPI (Haut Potentiel Intellectuel), Erika connaît ce quotidien qui « donne des cernes sous les yeux et des cheveux blancs » aux parents.
Enora quant à elle, observe la vie des enfants ayant des troubles de l’apprentissage et du comportement d’une autre façon : c’est la responsable art et culture à l’ITEP le Coteau de Vitry-sur-Seine avec lequel Acapelart collabore régulièrement.
Au quotidien, et au travers de leurs expériences respectives dans des contextes différents, elles ont pu constater les effets positifs et transformateurs de la pratique artistique sur les enfants ayant un trouble DYS (troubles spécifiques qui concernent les dysfonctionnements des fonctions cognitives du cerveau relatives au langage, à l’écriture, au calcul, aux gestes et à l’attention), un TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) ou encore HPI (Haut Potentiel Intellectuel).
Rencontre avec Enora, responsable art et culture en ITEP
Enora est responsable art et culture à l’ITEP le Coteau de Vitry-sur-Seine. Sa mission consiste à piloter des projets culturels et artistiques, à destination de tous les enfants accueillis dans l’établissement. Elle met en place des projets inclusifs, en collaboration avec des partenaires culturels du territoire. Elle organise également des sorties culturelles (musée, théâtre, etc.) et des activités artistiques comme des cours de peinture.
Bonjour Enora, qu’est ce qu’un ITEP et quel est ton rôle ?
« Un ITEP est un institut thérapeutique et pédagogique, soit un établissement médico-social, visant à accueillir selon différentes modalités, des enfants atteints de troubles du comportement. Ces troubles perturbent gravement leurs apprentissages scolaires et rend difficile leur socialisation. »
Quels troubles de l’apprentissage et du comportement présentent les enfants au sein de l’ITEP ?
« Les enfants accueillis au Coteau ont entre 6 et 12 ans. Chaque enfant est différent et il est difficile de faire une généralité quant à leurs troubles, tant ceux-là sont variés et évolutifs. La plupart sont agités, parfois agressifs, anxieux, et manquent beaucoup de confiance en eux. Ils sont presque tous en rupture scolaire, et peinent à lire et écrire. »
Quels types d’activités artistiques et culturelles sont proposées aux enfants de l’institut ?
« Cette année, les enfants et jeunes ont pu pratiquer le théâtre, le chant, la peinture, la sculpture, la musique, la danse, la réalisation d’un manga, le cirque, la sculpture, l’éloquence, l’écriture/slam, l’équithérapie. Ils ont également joué et réalisé un film en partenariat avec le Musée de l’image-document ( LE BAL). Et ils sont sortis dans divers musées et théâtre, centre de danse etc… »
Comment se passe une activité artistique ou culturelle au sein de l’ITEP ?
« Les activités ne dépassent jamais l’heure complète, sauf si les modalités changent régulièrement, et que des pauses sont prévues. Chaque projet culturel se fait en collaboration avec l’artiste, l’enseignant et l’éducateur référent. Parfois, les enseignants se saisissent du projet et travaillent vraiment avec l’artiste. Parfois ils (ou bien les éducateurs), sont simplement là pour encadrer la séance.
Les enfants ne sont jamais plus de 7 lors d’une activité, et la plupart du temps ils ne sont que 4 ou 5, ce qui facilite le bon déroulé de la séance.
Aucun enfant n’est forcé à participer, ils sont normalement volontaires quand cela est possible, en tout cas, s’ils souhaitent arrêter, ils en sont libres. »
Quelles activités sont particulièrement appréciées par les enfants ayant des troubles de l’apprentissage et du comportement ?
« Je dirais que toutes les activités artistiques sont appréciées, selon l’humeur et l’état d’esprit de l’enfant. Il faut surtout qu’il soit dans de bonnes dispositions plutôt qu’il ait une appétence réelle pour telle ou telle pratique. Ils sont curieux et sensibles. Après cette année, je peux tout de même affirmer que la danse est très apaisante et libératrice pour ceux qui s’y investissent (encore une fois ils sont là de leur plein gré). Le cirque a beaucoup plu également.
Les enfants ayant un TDAH ont globalement peu de patience et du mal à se poser. Ils ont besoin d’un cadre rassurant avec des consignes claires et une mise en route rapide de l’activité. »
Selon toi, quels sont les bienfaits de ces activités auprès de ces enfants sur leurs troubles de l’apprentissage et du comportement ?
« L’apprentissage par le biais de l’activité culturelle peut permettre de détourner l’attention de l’aspect trop scolaire d’une activité. Par exemple, certains ont fini par se libérer quelque peu en atelier d’écriture alors que cet atelier avait généré de nombreuses crises, et je crois qu’ils étaient fiers du résultat.
Les sorties et les partenariats permettent également de travailler l’ouverture d’esprit et l’enrichissement de la culture générale. »
As-tu également observé des bienfaits à titre émotionnel ?
« Ces activités rompent leur quotidien, surtout pour les enfants accueillis en internat, je pense que pratiquer le cirque par exemple, sur les temps du soir, leur change les idées !
Par ailleurs, le bienfait le plus flagrant est la prise de confiance en soi quand ils parviennent à faire quelque chose, ils se sentent valorisés, ce qui est vraiment un point clé pour ces enfants. Nous avons par exemple, organisé des restitutions où les enfants font un petit spectacle devant les autres, ou bien leurs œuvres ont été présentées dans un musée ce qui leur procure un sentiment de fierté.
Enfin, ces activités sont parfois un exutoire, un moyen d’exister pour soi-même et de s’exprimer. »
Entretien avec Erika, créatrice d’Acapelart et maman d’Alexis (TDAH et HPI)
Si vous lisez ce blog, vous connaissez certainement déjà Erika, la créatrice d’Acapelart, qui s’était confiée sur l’une des époques de sa vie dans l’article « Se remette d’un burn-out : et si l’art pouvait vous aussi vous aider ? ». Aujourd’hui, elle a accepté de répondre à mes questions sur un autre aspect de sa vie, qui vous parlera certainement si vous êtes parent d’un enfant ayant un trouble de l’apprentissage et du comportement.
Erika est maman de deux enfants : sa fille Eloïse, âgée de 14 ans, et son fils Alexis, âgé de 10 ans. Un Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH) a été diagnostiqué à Alexis, lorsqu’il avait 6 ans, doublé d’un HPI (Haut Potentiel Intellectuel). « Ma fille a aussi, je pense, un TDA mais non diagnostiqué (nous n’avons pas fait le test) car cela lui cause moins de souci dans sa vie de tous les jours que son frère. ».
Bonjour Erika, comment t’es-tu rendue compte des troubles de l’attention d’Alexis ?
« Dès petit Alexis a toujours été assez agité. Il faisait déjà difficilement ses nuits étant bébé, mais comme beaucoup d’enfants. À l’école maternelle, on avait souvent des remarques de l’école sur son comportement, mais là encore, rien d’alarmant. C’est en grande section de maternelle, à l’âge de 5 ans, que j’ai commencé à avoir des doutes : il parlait déjà très bien, commençait à écrire et surtout, il a appris à lire tout seul ! Un jour dans la rue il a réussi à lire quelque chose sur un panneau, alors qu’on ne lui avait pas appris !
À la fin de l’année de grande section maternelle la directrice m’avait conseillée de lui faire passer le test diagnostic pour TDAH/HPI car elle supposait aussi quelque chose, en me disant : « voyez comment ça se passe en CP déjà, et vous verrez ». Il faut savoir que le test coûte très cher et n’est pas remboursé, je ne voulais donc pas le faire sans que cela soit nécessaire.
Sauf qu’arrivé au CP, ça a été l’enfer à l’école ! Beaucoup de difficultés comportementales, impossibilité de rester en place et de garder l’attention très longtemps. Et surtout, comme il apprenait vite il s’ennuyait et perturbait la classe. Nous avons donc été faire un diagnostic chez une neuropsychiatre qui a confirmé les doutes. »
Ça ressemble à quoi une vie de maman ayant un enfant présentant un trouble du comportement ou de l’apprentissage ?
« Ça ressemble à des cernes sous les yeux et des cheveux blancs ahah. Alexis a une forte capacité d’apprentissage, un grand besoin de nourriture intellectuelle pour combler sa curiosité et son appétit d’apprendre. Il a plein de talents, il a une bonne mémoire et des facilités de compréhension donc il travaille vite, comprend vite, est très débrouillard et autonome… Mais il est très agité. C’est donc très fatigant pour son entourage.
Comme beaucoup d’enfants TDAH et HPI, il est hypersensible donc il a les émotions à fleur de peau, supporte mal la frustration, ce qui n’est pas toujours évident à gérer. À l’école, ça ne se passe pas très bien. Malgré le diagnostic l’école ne sait pas toujours gérer ou ne comprend pas, ça lui vaut un paquet de punitions et de remarques sur son comportement, alors qu’il ne maitrise pas. »
Et ça ressemble à quoi pour Alexis ?
« Il est suivi depuis 2 ans par une neuropsychologue pour l’aider à mieux gérer ses émotions. Il est dans une école privée. Nous n’avons pas voulu le mettre dans une école spécialisée, mais c’est vrai que c’est très difficile pour tout le monde, pour lui y compris. Il se sent parfois incompris, rejeté et surtout les instituteurs ne le comprennent pas. Il est souvent puni car il gère mal son agitation, sa colère, sa frustration, sa tristesse et a parfois des réactions vives, inadaptées à la vie en société, même si c’est beaucoup mieux qu’avant.
C’est un quotidien assez difficile pour lui et pour nous en tant que parent. La difficulté est qu’il ne perde pas le goût aux études et qu’il ne perde pas confiance en lui. Et on se sent seul à gérer cela car l’école ne prend pas forcément ce trouble au sérieux, ça influe négativement ses résultats. »
L’art est au coeur de ta vie professionnelle et personnelle, partages-tu cela avec tes enfants ?
« J’ai initialement créé Acapelart parce que je voyais mes enfants s’ennuyer pendant le confinement. Et l’art m’a toujours aidée à titre personnel (j’ai pratiqué le chant, la danse, le théâtre, l’écriture, le piano, la batterie….). Je crois d’ailleurs que je dois certainement avoir moi-même un trouble, non diagnostiqué. Lorsque j’ai rempli le questionnaire pour mon fils, j’ai compris beaucoup de choses sur moi, que je n’avais pas identifié/compris avant. Je ne me suis pas faite diagnostiquée car désormais c’est inutile, je gère mon atypisme, mais j’ai compris pourquoi l’art avait été si important pour moi dans ma vie. Je savais que l’art aiderait d’autres personnes, mes enfants y compris. Mais ce que je ne savais pas, c’est que j’étais en train de créer une activité adaptée aux personnes atypiques, qui ont des troubles de comportements ou qui sont hypersensibles, ou encore aux personnes multipotentielles. Dans les cours et stages que l’on organise, beaucoup d’enfants ont ce profil.
Mes enfants bénéficient de tout ce que j’organise. Ils participent aux cours de dessin, aux stages de vacances, aux cours de danse, de sports, aux ateliers de bricolage, cours d’échecs par exemple. Ensemble on pratique le chant. Mes deux enfants ont un don inné pour le chant (je pense qu’ils en ont hérité !) et Alexis s’est découvert récemment un talent pour le ukulélé ! Il est très doué et on voit que ça lui fait un bien fou, c’est son moyen d’expression. Après 3 cours seulement il était déjà capable de jouer un morceau et chanter en même temps ! »
Quels sont les bienfaits des activités artistiques et culturelles auprès d’Alexis ?
« Cela lui fait du bien, indéniablement. Ça le canalise, ça le valorise. Il développe des compétences autres que ce qu’il pourrait développer à l’école ou dans la vie de tous les jours. Il peut être lui-même, exprimer son identité, là où parfois il n’arrive pas à se faire comprendre dans la vie « normale », à l’école ou en interaction sociale.
Son truc à lui c’est le sport (le foot en particulier) et la musique (chant surtout). Il a un talent particulier pour monter sur scène, dès tout jeune il n’avait pas peur de chanter en public. Ce n’est pas donné à tout le monde. Il a l’esprit assez compétitif et comme il aime gagner, certaines activités le stimulent aussi. Comme les échecs, il avait gagné la coupe au tournoi organisé en CP/CE1, il était tout fier. »
Qu’est ce que les arts lui ont apporté en parallèle de tous les autres accompagnements qu’il peut avoir ?
« La confiance en lui. La nourriture autre que par les apprentissages scolaires. On voit qu’il est heureux quand il chante, il est fier de lui et il peut transmettre ses émotions. Tout cela, il ne pourrait pas le transmettre autrement. Il a écrit de jolis textes aussi, il a déjà une âme de poète, à 10 ans. »
Dans quels types d’établissements intervient Acapelart auprès d’enfants ayant des troubles de l’apprentissage et du comportement ?
« Nous travaillons à la fois avec des écoles privées et des écoles alternatives type écoles Montessori, car la pédagogie et la philosophie de Acapelart s’accordent bien avec les concepts d’éducation alternative.
Nous valorisons le bien-être, le plaisir, l’épanouissement et non la performance, ce n’est pas scolaire du tout, c’est ce que nos clients (écoles ou parents) viennent chercher. Nous travaillons aussi avec des structures médico-sociales comme des Itep/Sessad, qui sont des structures d’accueil pour les enfants qui ont des troubles d’apprentissage et du comportement. Ainsi qu’avec des foyers d’accueil de jour pour des adultes porteurs de handicap (handicap physique ou mental). »
Quels sont les bienfaits des arts que tu observes au sein de ces établissements ?
« Les bienfaits pour les enfants ou les adultes sont toujours les mêmes : confiance en soi, regain de joie et plaisir d’être, fierté, développement psycho-moteur, épanouissement personnel. »
Si tout était possible, quelle serait ta « grande vision » avec Acapelart en lien avec les enfants ayant des troubles de l’apprentissage ou du comportement ?
« Ma mission est de rendre l’Art accessible à tous et c’est ce que je souhaite continuer à faire, notamment en permettant à des enfants ou adultes qui à priori, n’ont pas la capacité de créer/peindre/danser/chanter ou autre, et qui y arrivent grâce à la bienveillance et à la pédagogie de nos artistes et professeurs.
C’est valable pour les personnes atypiques, mais c’est valable pour tout le monde en fait. Beaucoup de gens ne s’autorisent pas à créer alors qu’il suffit juste d’essayer, sans pression, juste pour se faire plaisir.
Ma grande vision est que l’Art soit un support dans les apprentissages courant à l’école (même pour les maths, le français, l’histoire-géo etc), et non plus cantonné aux loisirs ou aux seuls cours d’art plastique et de musique.
L’art dans toutes ses formes est un outil puissant qui peut résoudre bon nombre de difficultés d’apprentissage et de sentiment de mal-être. L’art fait du bien.
Il est temps que ce soit reconnu et décorrélé du seul bienfait de loisir (donc considéré souvent comme superflu) ou a contrario, très connoté « médical » comme l’art-thérapie. Ma grande vision est que la « méthode Acapelart » (l’apprentissage et l’épanouissement par l’art et les langues ludiques) devienne quelque peu comme la méthode Montessori en tant que méthode d’éducation alternative. Que le budget culture soit un des plus importants dans les budgets des villes et départements, pour le beau et le bien que ça apporte aux gens et aux villes. Et que les familles accordent autant d’importance à leurs activités culturelles qu’à leurs activités sportives ou vacances. C’est ambitieux, mais j’y crois ! »
Un énorme merci à nos deux passionnées Enora et Erika d’avoir pris le temps de répondre à mes questions ! Elles participent à ouvrir une nouvelle voie pour accompagner les enfants ayant des troubles de l’apprentissage et du comportement. Grâce à l’accès à des activités artistiques et culturelles ludiques et inclusives, ils peuvent ainsi s’exprimer, grandir et s’épanouir. Une belle manière de faire briller les étoiles dans les yeux de tous ces enfants extraordinaires, nous rappelant que la magie se trouve souvent là où on ne s’y attend pas, dans les petits gestes de ceux qui s’activent pour changer les choses à leur échelle.
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